samedi 31 octobre 2015

Une formation scientifique pour le monde du cheval


L'an dernier, j'ai participé à la mise en place d'une formation scientifique pour les professionnels et les amateurs du monde du cheval. L'idée est de réunir des enseignants-chercheurs qui travaillent sur le cheval (éthologie, médecine vétérinaire, agronomie, ... ) et des équitants qui n'ont habituellement pas accès à de l'information scientifique hors vulgarisation.
 
Il s'agit d'une formation sur 7 modules d'une semaine répartis sur une année civile. Le positionnement de cette formation est un peu différent de ce qui se fait d'habitude dans le monde du cheval : l'idée est de découvrir les résultats de la recherche, mais aussi de développer un esprit critique en comprenant comment fonctionne la recherche.

Voilà la présentation de cette formation telle qu'elle circule sur FB :
Comment améliorer les conditions de vie des chevaux que j'ai en charge ?
Quelles sont les dernières avancées scientifiques sur le bien-être du cheval (hébergement, alimentation, éducation, équipement, santé) ?

Comment faire le tri parmi la multitude d'informations qui circulent ?

Professionnel du cheval, cavalier de loisir, amateur ou éleveur, nous sommes tous concernés par ces questions! C'est pour vous permettre d'enrichir vos connaissances et d'exercer votre esprit critique que la formation  « Éthologie appliquée au cheval – des sciences à la pratique » a été mise en place à la Cense. L'équipe pédagogique est constituée d'intervenants d'horizons différents (chercheurs en éthologie, vétérinaires, soigneurs animaliers, ingénieurs agronomes...) et Hélène Roche, spécialiste de la vulgarisation en éthologie équine, vous accompagne dans vos apprentissages durant les 7 modules. De nombreux travaux pratiques vous permettront d'appliquer vos connaissances et de pratiquer des démarches scientifiques.

Plus d'informations sur le site du haras de la Cense www.lacense.com et sur la  page Facebook de la formation
J'interviens ponctuellement dans la formation scientifique avec ma casquette de chercheuse (thèse en physique, actuellement recherche en sciences de l'éducation) sur la partie "connaître les méthodes scientifiques / développer son esprit critique". J'y défends entre autre l'idée que les connaissances empiriques ont toute leur place dans le monde du cheval, mais que c'est malhonnête de vendre des choses comme étant scientifiquement prouvées quand ce n'est pas le cas. Petit à petit je souhaite que cette formation soit un laboratoire de développement de l'esprit critique et une brique dans le développement de recherches participatives.

Je cherche aussi à ce que cette formation ne soit pas un lieu d'échanges descendant où des chercheurs tout puissant diffusent la bonne parole à des stagiaires définis par leur manque de connaissances. Mais ça, c'est plus difficile du fait des nombreux intervenants...

lundi 28 septembre 2015

Quelques réflexions sur "la recherche pour améliorer l'enseignement supérieur"


Ce WE, Thierry Mandon était sur France Inter dans Agora, chez Stéphane Pas Au Lit (blague qui me faisait beaucoup rire il y a ... 15 ans quand il animait le 7-9).

J'ai pas tout tout écouté, mais à un moment, vers 35', j'ai bien entendu : il faut développer la recherche en éducation pour l'université :

"Avec l'hétérogénéïsation des publics, (...) la recherche en éducation va devenir un problème absolument essentiel qu'il va falloir soutenir financièrement, puissamment,  si on veut réussir la démocratisation, si on veut de la qualité de l'exigence alors il va falloir investir dans la façon d'apprendre et tout le monde n'apprend pas forcément de la même façon"

Chouette, pédagogie (ou didactique, ou sciences de l'éduc) mises à côté de l'université, ça devient à la mode!

Chouette, il se trouve que c'est un peu ce que je veux faire.

Hibou, c'est pas si simple... 
  1. De la recherche dans la façon d'apprendre : il y en a! Des bons enseignants, tout le monde en connaît au moins un! Le vrai problème ne serait-il pas davantage : comment massifier de bonnes pratiques d'enseignement? A ce sujet, je vous conseille la lecture très intéressante de l'article d'Elmore sur ce sujet : article "getting to scale" , ou sur le résumé que l'on trouve par exemple sur ce site.
  2. De la recherche, oui mais laquelle? 
    Sur comment apprendre en général (pédagogie universitaire)? ou sur comment apprendre une discipline en particulier (des maths, des langues anciennes, de la physique)?
    Aujourd'hui les deux sont un peu dissociés. Les premiers relèvent davantage des départements de psycho, les autres relèvent davantage des disciplines mères.
    -> Quel type de travaux de recherche permet le mieux aux autres enseignants-chercheurs de modifier leurs pratiques?
    -> Va-t-on privilégier un type de recherche pour donner de réels moyens d'agir? Ou au contraire, vaut-il mieux ne pas mettre tous les œufs dans un même panier pour permettre à différentes approches de coexister et de trouver leur éco-système?
Dans mon environnement (département de physique), clairement, c'est la recherche en éducation faites par des chercheurs labellisés "enseignant-chercheur de physique reconnu" qui a le plus de chances d'être entendue. Ainsi en France plusieurs EC de physique ont fait évoluer leur façon d'enseigner suite au visionnage de la conférence d'Eric Mazur : Confessions of a converted lecturer.


Dans tous les cas, commencer à poser la question de cette recherche, c'est déjà avancer dans la bonne direction! 

mercredi 4 février 2015

Seules les mesures conduisent aux incertitudes...

Revue cosinus




L'enseignement des incertitudes de mesure est un enjeu de l'enseignement de la physique expérimentale en L1. Des travaux montrent que malgré une pratique régulière des incertitudes par les étudiants lors des TPs, ils éprouvent des difficultés à interpréter leurs mesures[1]. En particulier, certains pensent qu'il est possible de connaître la valeur d'une grandeur physique avec une précision infinie [2] .  
L'analyse de 6 énoncés de travaux pratiques destinés à des étudiants de L1 montre que l'énoncé demande régulièrement aux étudiants de faire des mesures et de calculer l'incertitude associée. Cependant, dans un certain nombre de cas, cette mesure n'est pas réutilisée et ne sert à rien. La mesure est donc réalisée pour le plaisir de mesurer, ce qui contribue surement au fait que les étudiants considèrent le calcul des incertitudes comme une simple activité normative. 
De plus, lorsque les mesures sont utilisées pour être comparées à d'autres valeurs, seules les valeurs obtenues par les expériences des étudiants sont assorties d'incertitudes et exprimées sous la forme d'un intervalle. Les données de l'énoncé, des constructeurs sont fournies sans incertitude, sous la forme d'un point, C=100nF et puis c'est tout. Cette inégalité de traitement peut très certainement contribuer à renforcer la croyance des étudiants dans le fait que l'on puisse connaître la valeur d'une grandeur physique avec une précision infinie. 

Nous avons soumis ces résultats pour une présentation orale au prochain congrès de l'ESERA, la grand messe de la didactique en Europe. 



Références : 

[1] Séré, M., Journeaux, R., & Larcher, C. (1993). Learning the statistical analysis of measurement errors. International Journal of Science Education, 15(4), 427–438.
[2] Allie, S., Buffler, A., Campbell, B., & Lubben, F. (1998). Firstyear physics students’ perceptions of the quality of experimental measurements. International Journal of Science Education, 20(4),447–459.