Goniomètre avec prisme |
Oui,
parce que quand j’encadre une séance de TP, je me demande parfois où l’on va,
qu’avait dans la tête celui qui a rédigé l’énoncé du TP, quelle est la place de
ce TP dans le curriculum de telle ou telle formation… J’ai récemment posé cette
question au responsable de l’UE dans laquelle j’interviens, sa réponse fut assez déroutante :
Les objectifs
visés des TPs : être solide sur les bases via la pratique expérimentale en
particulier donc. Autrement dit, ceux
qui sont à l’aise avec le formalisme sont invités à adopter résolument une
démarche expérimentale. Inversement, ceux qui ne sont pas à l’aise avec le
formalisme, sont invités à comprendre les lois étudiées à partir d’une démarche
expérimentale, tant la pratique expérimentale sera essentielle pour la compréhension
de leurs futurs élèves !
Si
on lit les programmes et la mode actuelle, on doit faire pratiquer la démarche
expérimentale aux élèves. Dans les BO, la signification de la démarche
expérimentale est claire, dans la réponse ci-dessus, ça me semble être très
proche de la simple manipulation. Bref, ça veut dire qu’on doit toujours les
faire se comporter en apprenti-chercheurs qui observent des phénomènes, se
questionnent, proposent des hypothèses, mettent en œuvre un protocole pour
vérifier leurs hypothèses, confrontent les résultats à leurs hypothèses,
concluent ou en proposent de nouvelles. Bon, on aura compris, il ne faut
surtout pas que l’étudiant ait un énoncé clé en main parce que c’est mal,
d’autant plus qu’en général, c’est ce dont ils sont demandeurs, nos étudiants
fainéants qui n’ont rien compris alors que nous si.
Donc
on fait quoi ? Et bien on propose à nos étudiants un énoncé très succinct,
voir complètement vide, avec une liste du matos, une liste de proposition
d’expérience et une bibliographie et on se dit : bah voilà, hip hop c’est
fait, ils n’auront pas d’autre choix que de pratiquer une démarche
expérimentale. Je pense qu’on est là dans un simulacre de situation adidactique
(en rapport avec les théories de type constructivistes à la Brousseau dans
laquelle l’élève en se confrontant au milieu va développer des connaissances
(déjà ça c’est pas gagné), mais en plus va poursuivre une démarche
d’investigation).
Et
qu’est-ce qu’il se passe en pratique pendant la séance ? Et bien nos
étudiants sont bien sages, ils vont chercher la biblio qu’on a donnée, qui est
remplie de protocoles ultra détaillés (prendre une résistance de 52 W, brancher en série un
condensateur…) sans justification du choix des composants qu’ils vont suivre à
la lettre, en cherchant de manière très artificielle à faire un calcul d’erreur
à la fin, car on leur a dit que sans ça en physique, point de salut !
Bref,
on prépare nos élèves pour le concours du CAPES, dans ce cadre leur apprendre à
chercher dans des livres les monstrations qu’ils peuvent faire dans le cadre
des montages qu’ils auront à présenter à l’oral peut se justifier. Dans cette
optique, ils choisissent quelques manips qu’ils bachotent, et en ça ils
préparent l’épreuve de montage du CAPES de physique-chimie.
Mais
ce faisant on ne forme pas vraiment nos futurs enseignants. En particulier,
prenons l’exemple du TP sur les lentilles et la formation des images. On va
leur demander de mesurer des distances focales, des grandissements lors de
montage à une ou 2 lentilles. Sur leur compte-rendu, on trouvera la copie du
protocole du Duffait, leurs mesures, leurs barres d’erreurs dont ils ne
comprennent pas le sens ni la raison d’être.
Alors
on fait quoi ? À court terme en ce qui me concerne, pas grand-chose, car
je ne veux pas froisser le reste de l’équipe enseignante. Du coup je
vais profiter de cette année pour réfléchir petit à petit à comment concevoir 4
séquences de TP (2 en M1, et 2 en M2) pour amener nos étudiants à préparer le
concours du CAPES et à devenir des bons physiciens et des bons enseignants. Je
proposerais ça au compte-gouttes au reste de l’équipe et on verra si on peut en
tirer quelque chose.
L’exemple
de l’ENS Lyon : Tout n’est pas bon à l’ENS, ça c’est le moins qu’on puisse
dire. Cependant je dois reconnaître la qualité de la démarche de l’UE de
physique expérimentale en L3, que je trouve innovante. Cette UE est découpée en
plusieurs cycles :
- TPs d’introduction : il s’agit de TP à protocoles détaillés dont le but est la découverte et la prise en main du matériel disponible à l’ENS ainsi que la remobilisation des connaissances déjà vu en L1 et L2.
- Mini-projets : il s’agit de TPs portant sur l’étude d’un phénomène physique sur 3 séances de 4h que les étudiants ont vu, ou pas, en cours. L’énoncé est assez succinct, quelques idées de manipulations, cependant en général, il n’est pas évident de trouver un protocole tout fait qui soit réalisable au labo. On demande ensuite aux élèves de présenter leurs résultats comme ils le feraient à l’issue d’un stage. Il faut noter que les enseignants n’attendent absolument pas une réponse type à chacun des TPs, plusieurs mesures sont faisables, ce sont les étudiants qui choisissent, et du moment que c’est bien fait tout est recevable. C’est peut être cette partie-là qui est encore discutable pédagogiquement, car la ligne des énoncés n’est pas très claire et les différents mini-projets sont très inégaux.
- Les projets qui se déroulent sur 6 séances de 4h. Les élèves choisissent eux-mêmes le phénomène qu’ils souhaitent étudier (en général un travail de recherche déjà publié, une article d’AJP…), ils ont à leur disposition tout le matériel disponible en enseignement au département de physique, ils proposent leurs protocoles… L’évaluation se fait avec un rapport écrit et une soutenance orale.
Au master enseignement, il ne s'agit pas de former des chercheurs, cependant je pense qu'il faut repenser toute l'organisation des 4 modules de physique expérimentale. ... Post à venir sur le sujet!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire